Le 15/06/2023
Nous, parlementaires du monde entier, réunis avec des représentants de religions, de convictions, d’organisations confessionnelles et de la société civile, ainsi qu’avec des experts internationaux, à la Conférence parlementaire sur le dialogue interconfessionnel, organisée à Marrakech (Maroc) par l’Union interparlementaire et le Parlement du Royaume du Maroc, en coopération avec Religions for Peace, et avec le soutien de l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies et de la Rabita Mohammedia des Oulémas.
Nous affirmons que le dialogue interconfessionnel, fondé sur le soutien des libertés et des droits fondamentaux, est un outil essentiel pour promouvoir l’inclusion et la coexistence pacifique, et consacrer l’état de droit en appui aux efforts collectifs en vue d’une société meilleure.
Si les différentes religions et convictions peuvent nous éclairer sur l’état du monde et sur nos concitoyens, nous, législateurs, sommes redevables au premier chef au peuple que nous représentons, en préservant les conditions matérielles d’une existence saine et heureuse pour tous. Il nous incombe de faire respecter l’état de droit et tous les droits de l’homme, ainsi que les libertés fondamentales, telles que la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et la liberté d’expression et de réunion. Nous affirmons également l’importance de veiller à ce que chacun puisse jouir de ces droits et libertés, sans discrimination.
Alors que le monde sort à peine de trois ans de pandémie, nous faisons face à une intensification des conflits armés, des tensions géopolitiques et de la dégradation de l’environnement, qui accentuent les inégalités, l’instabilité économique et les crises humanitaires existantes. Nous voyons l’espace civique se réduire, la polarisation idéologique s’accentuer et la violence politique s’intensifier dans de nombreux contextes. Les informations mensongères et les discours de haine sont de plus en plus répandus et souvent amplifiés par les réseaux sociaux. Dans de nombreuses régions, les citoyens ressentent un profond sentiment d’insécurité et perdent confiance dans leurs institutions.
L’intolérance à l’égard des groupes minoritaires ou marginalisés, y compris les communautés religieuses et de conviction, ne fait que s’exacerber. Les femmes sont les premières à subir les conséquences de ces tendances. Elles rencontrent déjà des difficultés pour bénéficier de l’ensemble de leurs droits civiques au même titre que les hommes et subissent diverses formes de discrimination et de violence sexistes, parfois sous couvert de religion ou de conviction. Les jeunes, qui représentent un groupe démographique en pleine expansion, ont toutes les peines du monde à faire entendre leur voix.
Aucune religion ou conviction ne devrait être associée à la discrimination ou à la marginalisation d'une autre communauté, pas plus qu'elle ne devrait cautionner la violence à l'encontre d'une autre communauté. Nous réaffirmons en outre que le terrorisme et l'extrémisme violent, en tant que fléaux majeurs menaçant la paix et la sécurité, ne devraient pas être associés à une religion, une conviction ou une communauté ethno-religieuse particulière.
Nous soulignons l'importance de la modération dans la résolution des conflits liés à la religion ou à la conviction et le rôle significatif des mécanismes ou institutions dédiés à la résolution des conflits et des différends.
Nous exprimons en outre notre préoccupation face au recul général de la démocratie, à l’effritement de la solidarité humaine et à l’essoufflement des principes moraux en politique et dans la société en général, que l’on peut observer dans des pays et des communautés du monde entier.
La résolution de ces problèmes nécessite une action concertée et décisive de tous : les parlementaires avec leur pouvoir législatif, ainsi que tous les acteurs de la société, y compris les institutions officielles, les communautés religieuses et de conviction, les organisations confessionnelles et de la société civile, ainsi que le monde académique. Les périodes de crise et d’incertitude appellent particulièrement un leadership fort pour rassembler autour d’une vision commune de l’avenir.
Nous croyons fermement à la nécessité d’établir un contrat social qui renforce la dignité commune ainsi que la fraternité et l’égalité entre toutes les personnes. En tant que parlementaires, nous avons pris l’engagement commun de bâtir des sociétés résilientes dans lesquelles chacun doit pouvoir trouver sa place. Nous encourageons la culture du dialogue dans les parlements en tant qu'outil essentiel de paix et d’inclusion. Nous nous engageons à adopter un comportement respectueux à l'égard de toutes les personnes, ainsi qu'à éviter toute rhétorique clivante autour de la religion et des convictions à des fins politiques.
Nous reconnaissons que les dirigeants des communautés religieuses ou de conviction, et notamment les chefs traditionnels, sont souvent des personnalités publiques influentes qui jouissent d’un rayonnement important. Les réseaux religieux ou de conviction vont bien au-delà des groupes d’intérêt et des frontières nationales. Ils sont souvent en première ligne dans les situations d’urgence et constituent un important filet de sécurité pour les personnes dans le besoin. Nous sommes également profondément inspirés par les nombreuses initiatives des communautés religieuses et de conviction visant à promouvoir la coexistence pacifique et l'égalité des droits entre tous les peuples.
Notre travail en tant que parlementaires peut bénéficier d'une plus grande prise de conscience de l'influence et de l'importance de la religion et des convictions, ainsi que de leur contribution au bien-être de l'humanité. Nous devons faire de ces réseaux des alliés dans notre cause commune pour la justice sociale et la coexistence.
Aujourd’hui, nous venons ajouter la voix des parlementaires du monde entier à cet appel à une coexistence fondée sur l’égalité et la dignité pour tous. Nous affirmons notre volonté de travailler ensemble en faveur de la coexistence pacifique, de l'inclusion et d'institutions fortes dans le plein respect de l'état de droit.
Nous encourageons tous les parlements à s’engager à poursuivre les actions suivantes :
- Veiller à ce que toutes les religions, convictions et organisations confessionnelles bénéficient d’un traitement équitable exempt de discrimination devant la loi.
- Associer des représentants de religions et de convictions, et des organisations confessionnelles aux côtés des représentants de la société civile en tenant compte de la diversité, aux efforts en cours visant à assurer la mise en oeuvre de lois nationales, d’engagements internationaux ainsi que la promotion de la cohésion sociale.
- Nouer un dialogue avec les chefs religieux ou de convictions et les communautés pour contribuer à renforcer la solidarité et à relever efficacement les grands défis de notre époque, tels que la pauvreté et les inégalités, les changements climatiques, les conflits et les guerres, ainsi que l'addiction très répandue, la surconsommation et les technologies numériques, y compris les utilisations négatives de l'intelligence artificielle.
- Mettre sur pied des groupes ou des commissions parlementaires au niveau des parlements nationaux sur le dialogue interconfessionnel et interculturel pour la coexistence pacifique et l'inclusion sociale et favoriser la coopération entre ces groupes ou commissions.
- Promouvoir une plus grande coopération entre les représentants des religions et des convictions et les autorités nationales dans la lutte contre les crimes tels que la traite des êtres humains, la servitude domestique, la violence domestique et le travail forcé, et la protection des victimes de ces crimes.
- Élaborer des codes de conduite parlementaires au niveau mondial pour veiller au respect du droit à la liberté de religion et de conviction, et prévenir les discours de haine.
- Promouvoir, dès le plus jeune âge, les principes d’inclusion et de diversité, notamment le respect de l’autre et de toutes les religions et convictions, comme fondements de sociétés pacifiques et inclusives.
- Plaider en faveur d'une éducation et d'une sensibilisation du public axées sur la promotion du respect et de la compréhension entre les personnes et les communautés, quelle que soit leur religion ou leur conviction, et sur le respect de la dignité de chacun.
- Lutter contre les discours de haine ou de mépris à l'égard de personnes en raison de leur appartenance à une religion ou à une conviction, et s'attaquer vigoureusement aux traitements discriminatoires, y compris par des initiatives législatives.
- Encourager l’UIP à répertorier les bonnes pratiques parlementaires visant à soutenir la diversité, la tolérance et le dialogue, en veillant au respect des droits de citoyenneté et de l’état de droit, et à proposer des conseils aux parlements.
- Encourager les dirigeants des communautés religieuses et de conviction à promouvoir l’inclusion, les droits fondamentaux et l’égalité des sexes au sein de leurs communautés, conformément à la législation nationale et aux engagements internationaux.
- Renforcer l’interaction avec l’ONU, d’autres organes internationaux et la société civile, et étudier les possibilités de mise en oeuvre des stratégies et des résolutions des Nations Unies en faveur du dialogue interconfessionnel et interculturel afin de pallier le déficit de mise en oeuvre au niveau national.
- Veiller à ce que les jours fériés nationaux et autres actes officiels visant à commémorer des événements importants pour une religion ou une conviction reflètent la diversité des religions et des convictions de ce pays.
- Mettre en place un mécanisme institutionnel au sein de l'UIP qui s’appuiera sur les résultats de cette Conférence, afin d'examiner les bonnes pratiques, de suivre les progrès et de formuler des propositions dans ce domaine. Ce mécanisme devra poursuivre l'intégration de la position des parlementaires, des représentants des religions et des convictions et de la société civile.
- Encourager l'UIP à également intégrer les résultats de cette Conférence dans son programme de travail régulier et à présenter ce document à la 147e Assemblée de l'UIP en octobre 2023.
Nous accueillons favorablement l'invitation du Parlement italien adressée à l'Union interparlementaire en vue d'organiser une réunion interconfessionnelle mondiale à Rome en 2025.
Nous remercions le Parlement du Royaume du Maroc d’avoir accueilli ce rassemblement unique et tenons à exprimer notre reconnaissance à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, qui a accordé son haut patronage à cette Conférence. Enfin, nous encourageons tous les participants à faire en sorte que leurs communautés respectives s’imprègnent de l’esprit de solidarité et de dialogue qui a régné tout au long de ces trois jours à Marrakech.